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Pratiques exemplaires

La santé mentale des élèves

La recommandation professionnelle de l’Ordre Favoriser la santé mentale des élèves fournit des conseils à ses membres. Voici comment ils mettent ces conseils en pratique.

Exclusivité en ligne : visionnez un portrait numérique de nos Pratiques exemplaires.

Dans sa classe de 7e année à la Valley Park Middle School, à Toronto, Susie Barraud, EAO, sait qu’il y a plusieurs façons de mesurer la réussite des élèves; c’est pourquoi elle a voulu parler à une élève qui avait du mal à se concentrer et à suivre les leçons. Ce n’était pas uniquement son rendement scolaire qui l’inquiétait. Et si quelque chose n’allait pas?

Au cours de l’année scolaire, Mme Barraud avait établi une relation de confiance avec l’élève, qui a senti qu’elle pouvait se confier à elle. Son père était autoritaire et dominateur, ce qui avait eu des conséquences néfastes sur elle. «Son estime de soi était anéantie, elle était triste tout le temps et n’arrivait pas à trouver sa place», affirme l’enseignante, qui est également chef de la section du bienêtre, de l’inclusion et de la justice sociale.

L’élève s’est sentie mieux après avoir parlé de ses sentiments. Mme Barraud a trouvé une autre façon de l’aider. Parfois, elle la jumelait avec deux autres élèves qui avaient des troubles d’anxiété et leur demandait de travailler en équipe. Les trois élèves se sont liés d’amitié et ont formé un groupe de soutien mutuel.

«Nous sommes tous passés par des moments difficiles dans la vie, et on peut s’entraider pour aller de l’avant, de dire Mme Barraud. L’enseignant doit former une communauté dans sa classe.»

En 2018, l’Ordre a publié la recommandation professionnelle intitulée Favoriser la santé mentale des élèves pour aider les enseignantes et enseignants agréés de l’Ontario à comprendre les enjeux entourant la santé mentale, à cerner les comportements inquiétants et à agir en conséquence.

«Les jeunes veulent être entendus... Ce n’est pas toujours de conseils dont ils ont besoin.»
— Susie Barraud, EAO

Comment les enseignants mettent-ils en pratique ces conseils et recommandations?

Tout débute par la façon de penser le soutien en santé mentale. Il ne s’agit pas uniquement de maladie mentale. Comme l’indique la recommandation, la capacité de s’adapter ainsi que de gérer et de contrôler ses pensées, ses émotions et son comportement, tout cela fait partie intégrante d’une santé mentale optimale. C’est ce qu’on appelle le bienêtre mental.

Tous les élèves, qu’ils souffrent d’une maladie diagnostiquée ou pas, ont besoin d’évoluer dans un milieu stimulant qui favorise l’apprentissage et la santé mentale, et les enseignants sont des experts en la matière.

«Le bienêtre englobe le bienêtre physique, affectif et cognitif. Quand toutes ces composantes sont prises en compte dans les écoles et salles de classe, vous avez un climat nourricier», explique Sharon Pyke, EAO, surintendante de l’éducation – bienêtre des élèves, au Greater Essex County District School Board.

Susie Barraud, EAO
Susie Barraud, EAO

En réfléchissant à la recommandation de l’Ordre, Mme Barraud dit que les enseignants peuvent améliorer le bienêtre des élèves au moyen de pratiques courantes. Elle appose des citations inspirantes sur la porte de sa salle de classe pour mettre le ton. Elle parle souvent aux élèves de leurs hauts et de leurs bas afin de normaliser ce genre de conversations et elle montre de l’intérêt pour leur vie à l’extérieur de l’école. «Apprenez à connaitre vos élèves», dit-elle.

Cela peut sembler élémentaire, mais ces efforts portent leurs fruits. Mme Barraud rappelle l’importance de créer un lien et un sentiment d’appartenance – «prendre conscience des autres», explique-t-elle.

Les petites choses comptent. «Quel temps fait-il?» C’est comme ça que Tom Doherty, EAO, accueille ses élèves au début de la journée. Leurs réponses (ensoleillé, pluvieux, orageux ou nuageux) correspondent à leurs humeurs.

M. Doherty enseigne de la maternelle à la 2e-3e année à la St. John School du Kenora Catholic District School Board, à Red Lake, dans le nord-ouest de l’Ontario. En associant leurs humeurs à la météo, les élèves deviennent plus conscients de leurs émotions et plus à l’aise d’en parler dans un langage clair, ce qui aide M. Doherty à déterminer quand il doit intervenir.

Il comprend que la façon dont les élèves composent avec le succès, les échecs, l’école et la vie dépend grandement de leur santé mentale. «Je me concentre sur l’élève dans son ensemble», affirme M. Doherty.

Les interactions quotidiennes prennent une tout autre signification quand elles peuvent donner la possibilité d’améliorer le bienêtre. Lindsay Drozdz, EAO, adopte une optique de santé mentale dans son approche; elle est visible et approchable entre les cours, salue les élèves de la main en leur souriant et leur demande comment se passe leur journée.

«Les élèves ont besoin de se sentir utiles. Le simple fait d’avoir un adulte bienveillant à leur égard est crucial», de dire Mme Drozdz, une enseignante pour la réussite des élèves à l’Essex District High School, située à environ 20 minutes de route de Windsor.

La sollicitude prend différentes formes. Que faire si un élève dit qu’il a échoué à un test? Selon Mme Pyke, il est important de valider les émotions de l’élève et d’éviter de résoudre ses problèmes en lui disant qu’il a sans doute fait mieux qu’il ne le pense ou que ce n’est pas important parce que le test ne compte pas pour grand-chose. Faites plutôt preuve de compréhension. Vous lui ferez ainsi savoir que vous comprenez ce qu’il éprouve et que vous n’ignorez pas ses sentiments. Demandez-lui ensuite pourquoi il pense avoir échoué et discutez des solutions pour que cela ne se reproduise plus.

«On peut ainsi acquérir des compétences, comme la résilience, explique Mme Pyke. Ce n’est pas juste une occasion d’apprendre, c’est aussi un moment de bienêtre mental.»

Hafiz Printer, EAO
Hafiz Printer, EAO
«Quand les élèves ont l’occasion de contrôler une partie de leur apprentissage, ils gagnent en assurance et ont un plus grand pouvoir d’expression et plus de choix.»
— Hafiz Printer, EAO

Hafiz Printer, EAO, est attentif à la façon dont ses élèves se perçoivent. Certains s’autocritiquent quand ils éprouvent des difficultés. Ils vont se dire : «Je ne suis pas assez bon» ou «Je ne peux pas le faire». Sa solution : ajouter le mot «encore» à ces énoncés. En changeant la formulation, l’élève peut changer son état d’esprit, dit M. Printer, qui enseigne de la 7e à la 12e année au sein de l’Ismaili Tariqah and Religious Education Board Canada.

Il est soucieux des petites choses qui favorisent le bon fonctionnement de la salle de classe et la santé mentale. Par exemple, quand les élèves ont l’occasion de contrôler une partie de leur apprentissage, ils gagnent en assurance et ont un plus grand pouvoir d’expression et plus de choix.

Selon Tesa Fiddler, EAO, un geste aussi anodin que laisser les élèves s’assoir où ils veulent peut avoir des bienfaits sur leur santé mentale en les aidant à s’autoréguler. «Ça les responsabilise dans leur apprentissage. Ils se sentent plus maitres des choses», explique Mme Fiddler, coordonnatrice de l’éducation autochtone au Thunder Bay Catholic District School Board.

On peut également intégrer la littérature en matière de santé mentale dans le curriculum. Par exemple, Mme Barraud a utilisé le roman Harry Potter et le prisonnier d’Azkaban de J.K. Rowling pour aider ses élèves à explorer les thèmes de la dépression et de l’anxiété. Elle avait commencé les leçons avant la pandémie de COVID-19 et les avait continuées en ligne au moment même où ses élèves devaient composer avec le stress lié au confinement et aux perturbations.

Cette initiative émanait de la thérapie cognitivocomportementale basée sur la série littéraire Harry Potter, un programme développé par le Dr Mark Sinyor, psychiatre au Sunnybrook Health Sciences Centre, à Toronto, et la psychologue Donaleen Hawes, surintendante de l’éducation du Catholic District School Board of Eastern Ontario.

Mme Rowling a parlé de sa propre dépression et indiqué que les Détracteurs – créatures dans Harry Potter et le prisonnier d’Azkaban – peuvent servir de métaphore pour décrire son expérience. Dans le roman, Harry souffre de détresse psychologique. Il éprouve du désespoir et se sent isolé. Mme Barraud voulait que ses élèves comprennent comment Harry avait surmonté ces défis.

«Les élèves ont adoré – ouah! Harry avait ces distorsions cognitives, s’exclame Mme Barraud. Ça devient pertinent. Ils réalisent qu’ils ne sont pas seuls. C’est une plateforme pour les laisser exprimer leurs sentiments par écrit.»

Si vous ne vous sentez pas en bonne santé à tous les égards, il est plus difficile d’apprendre, affirme David Benay, EAO, enseignant d’éducation physique et santé, à Orléans.

À l’école élémentaire publique Jeanne-Sauvé, M. Benay enseigne les mouvements actifs aux élèves (comme jouer à Mastermind en utilisant son corps). Durant de longues promenades, il leur demande d’éveiller leurs sens (la sensation de l’herbe, le chant des oiseaux) ou les laisse organiser des jeux et choisir leurs activités. Cela permet aux élèves de mieux se concentrer, de vivre le moment présent, d’affiner leur leadeurship et de s’autoréguler.

Autrefois, on pensait que les leçons en classe stimulaient la tête et l’esprit, et que l’éducation physique s’occupait du corps, explique M. Benay. C’est tout faux! «On ne peut pas séparer la tête du corps. Les deux milieux d’apprentissage doivent s’occuper de tout le corps», dit-il. D’autres aspects du milieu scolaire peuvent favoriser la santé mentale.

Lindsay Drozdz, EAO
Lindsay Drozdz, EAO

À l’école où enseigne Mme Drozdz, des élèves ont peint des pierres à l’occasion de la Journée mondiale de la gentillesse - il y en avait plus de 500 dans la cour de l’école -, donnant ainsi la chance aux enseignants de parler des raisons pour lesquelles il est important de faire preuve de gentillesse. Mme Drozdz souligne aussi le sport collégial, qui contribue à créer un sentiment d’appartenance à l’école, et les assemblées, qui ont pour thèmes la compassion et la résilience.

Qu’ont en commun ces évènements? «La plupart semblent juste amusants, mais leur valeur réside dans le fait qu’ils aident à créer une communauté sure et inclusive, ce qui contribue beaucoup à favoriser la santé mentale», de dire Mme Drozdz.

Parfois, les élèves ont besoin d’un soutien plus concret. Comme l’indique la recommandation de l’Ordre, les enseignants devraient songer à ce qu’ils font pour créer un milieu chaleureux, dans lequel les élèves se sentent valorisés, motivés et respectés. C’est un bon début, mais il importe aussi d’en savoir suffisamment sur la santé mentale pour éliminer la stigmatisation, repérer les problèmes, apporter son aide directement ou mobiliser les ressources de l’école, du conseil scolaire et de la communauté.

«Dans un climat positif basé sur la confiance, les élèves se sentent plus à l’aise de partager... Ils se sentent soulagés... ils voient qu’ils ne sont pas seuls.»
— Lindsay Drozdz, EAO

Mme Drozdz organise des cercles communautaires dans sa classe et utilise une balle pour la prise de parole. Chaque élève peut répondre à la question ou passer la balle. Elle choisit des questions qui portent sur la santé mentale, comme «Dis-moi ce qui va et ce qui ne va pas». En fonction des réponses, Mme Drozdz note le nom des élèves à qui elle veut parler en privé.

«Dans un climat positif basé sur la confiance, les élèves se sentent plus à l’aise de partager», affirme Mme Drozdz.

D’ailleurs, la relation va dans les deux sens : si Mme Drozdz a une semaine difficile, elle le dit à ses élèves (dans le respect des limites appropriées). «Les élèves se sentent soulagés, dit-elle. Ils voient qu’ils ne sont pas seuls.»

Mme Drozdz note les changements qui pourraient être le signe d’un trouble quelconque, tels des notes en baisse, un plus grand nombre d’absences, des comportements à risque, des crises de colère ou un manque de motivation. Elle connait bien les ressources en travail social et en santé mentale, ce qui est crucial quand un élève est en détresse (p. ex., automutilation, pensées suicidaires).

La recommandation de l’Ordre souligne que le rôle principal de l’enseignant «[c]’est de s’occuper du bienêtre holistique d’un élève. Les élèves ne peuvent pas apprendre si leurs besoins essentiels ne sont pas assouvis. L’amour et la sécurité en font partie», explique Mme Fiddler.

L’école est un foyer d’émotions, car les élèves doivent composer avec les demandes d’apprentissage et la pression des pairs, ainsi qu’avec leur développement social et physique. C’est aussi à l’école que les élèves sont plus enclins à révéler un problème, dans ce qu’ils disent ou dans la façon dont ils se comportent. Connaissez vos élèves «et apprenez à voir quand quelque chose ne va pas», explique Mme Barraud.

Les pédagogues ne sont pas des experts en santé mentale, mais ils n’ont pas besoin de l’être pour appuyer leurs élèves. Ils doivent tout simplement faire preuve de sollicitude.

«Les jeunes veulent être entendus, nous devons donc apprendre à mieux les écouter, ajoute M me Barraud. Ce n’est pas toujours de conseils dont ils ont besoin, mais d’un exutoire. Pas besoin d’avoir un bac en psychologie pour qu’ils sachent qu’on les écoute.»

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