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Faire preuve de résilience

Isolation, distanciation sociale, bouleversement dans le milieu de travail… Comment prendre soin de sa santé mentale et de son bienêtre durant la pandémie de COVID-19?

Couverture du numéro de juin 2020 de Pour parler profession, montrant une main plaçant un bloc de bois, sur lequel sont gravés une tête de lion et le mot courage, sur d’autres blocs sur lesquels sont gravés les mots réflexion, compassion, but, connexion, équilibre et appui.

Chaque fois que Harry Nowell, EAO, va se promener, courir ou faire du vélo sur l’un des trois sentiers ombragés près de chez lui, il respire profondément. Il y va seul et régulièrement depuis le début de la pandémie de COVID-19. Et sa routine lui est bien salutaire dans les circonstances. L’acti- vité physique l’aide à rester en forme, mais elle a bien d’autres bienfaits.

«Cela me calme et je m’évade, explique M. Nowell, qui enseigne principalement du jardin d’enfants à la 4e année à l’Ottawa-Carleton District School Board. La solitude de la forêt atténue mon stress. Je suis donc forcé de prendre conscience de ma respiration.» Il est important de prendre soin de sa santé mentale, d’autant plus en période de pandémie, d’isolement et de distanciation sociale.

L’incertitude est difficile. Les enseignants, tout comme les autres professionnels aidants, ont besoin d’être en mesure d’aider ceux qu’ils appuient. Quand les élèves reprendront le chemin de l’école, ce sera dans un monde différent. Alors il faut penser à faire les choses autrement.

S’occuper de soi

Quand on est à bord d’un avion, on nous dit qu’en cas de dépressurisation de la cabine, des masques à oxygène surgiront et qu’il faudra mettre le nôtre avant d’aider les enfants à mettre le leur. On doit donc d’abord s’occuper de soi avant d’aider les autres.

Pour leur propre bien et celui de leurs élèves, les enseignants devraient prendre soin d’eux-mêmes d’abord et avant tout. Le fait d’avoir à vivre une pandémie a de graves répercussions psychologiques. Chaque geste posé pour prendre soin de sa santé mentale durant cette situation d’urgence se compare à mettre un masque à oxygène; il nous permet de pouvoir respirer et d’être ainsi en mesure d’aider les autres.

En temps normal, les pressions professionnelles combinées aux exigences personnelles quotidiennes, peuvent peser lourd. Mais ce que nous vivons présentement atteint un tout autre niveau. «Nous évoluons dans un environnement différent», dit Patrick Carney, psychologue principal et res- ponsable des questions de santé mentale au Simcoe Muskoka Catholic DSB, et coprésident de la Coalition ontarienne pour la santé mentale des enfants et des adolescents.

Bien que les bouleversements mondiaux provoqués par le coronavirus soient uniques, les principes fondamentaux qui incitent à prendre soin de soi reposent sur les mêmes éléments qu’à l’ordinaire. «Quand on est aux prises avec le stress, il est impossible d’avoir un bon rendement», affirme M. Carney.

Les facteurs de stress sont multiples. Le monde est sens dessus dessous. On se soucie de la santé (la nôtre et celle des autres). On doit établir de nouvelles habitudes. Or, il faut composer avec de nouvelles dynamiques familiales et l’envie de changer d’air. On se demande aussi comment se fera le retour à la vie «normale» et la «rentrée» des classes.

Avoir un but

Les enseignants font de leur mieux pour appuyer leurs élèves. Ce désir est «inébranlable», affirme Joseph Atanas, EAO, directeur d’une école élémentaire au sein du Grand Erie District School Board.

N’empêche que, ne pas être en salle de classe à cause de la pandémie est un défi. «Les enseignants doivent contourner un obstacle qui met à rude épreuve leur sens du devoir et leur désir d’aider ceux qui en ont le plus besoin», poursuit M. Atanas.

Cela fait beaucoup à gérer. Prendre soin de sa santé mentale commence par des notions de base en santé physique : dormir suffisamment, manger sainement et bouger. Ces éléments renforcent notre système immunitaire, ce qui nous permet de contrer les effets du stress.

Et ce n’est que le début. Il est facile de se laisser porter par le courant et de vivre dans l’anxiété ces jours-ci, dit M. Carney. «En se faisant un plan, on a plus de contrôle sur la situation.»

Pour le bien de sa santé mentale, il faut avoir un but, grand ou petit, chaque jour. Ce sera plus difficile maintenant, ce qui veut dire qu’il faudra s’adapter. Mais les enseignants ont un avantage : ils ont toujours aidé leurs élèves à être plus résilients.

«La résilience englobe diverses compétences : comprendre ses propres émotions, résoudre des problèmes, bien vivre les défis et accueillir les nouvelles occasions», explique M. Carney.

Maintenant, c’est le moment de pratiquer ces mêmes stratégies. M. Carney aime le conseil que l’astronaute canadien Chris Hadfield a donné sur la façon de composer avec l’isolement – un conseil qu’il a lui-même appliqué dans l’espace : comprendre les risques, examiner les contraintes, se concentrer sur sa mission (du jour ou de l’heure) et agir en conséquence. Ce sont d’importants conseils pour gérer le stress. Prenez conscience de ce que vous vivez, composez avec la situation, puis passez à quelque chose de productif. C’est ce qu’on enseigne aux enfants du jardin d’enfants. M. Carney nous rappelle que cette leçon ne perd jamais de sa pertinente.

Comment allez-vous?

Certains gestes que l’on pose pour sa propre santé mentale sont concrets, alors que d’autres sont plus abstraits. Évaluez la façon dont vous vous sentez à l’aide de ce modèle :

Contacts virtuels

Les enseignants ont l’habitude de se débrouiller de nombreuses façons. James Steele, EAO, communique souvent par voie électronique avec sa famille et ses amis. Il a passé beaucoup de temps à lire, à travailler sur son propre livre (qui traite de la culture canadienne), à faire de longues promenades et à jouer au Scrabble en ligne, en anglais et en espagnol.

«Je m’entoure de ce que j’aime, et ça m’aide», confie M. Steele.

Cela comprend l’apprentissage professionnel. M. Steele enseigne le français, l’espagnol et l’allemand au secondaire pour le Toronto DSB. Il affirme que l’apprentissage professionnel entretient le lien qui l’unit à sa vocation et le motivera de retour en classe. L’apprentissage peut être informel (p. ex., lire des articles sur le domaine de l’éducation provenant de sources en ligne sérieuses) ou formel.

Durant la pandémie de COVID-19, M. Steele a saisi l’occasion de suivre deux cours menant à une qualification additionnelle (QA) : Enseignement aux apprenants de l’anglais, 2e partie; et Langues internationales – Allemand, 1re partie. «Ces cours s’inscrivent dans mon apprentissage continu et ne pourront qu’enrichir ma pratique».

M. Nowell a aussi pris le temps de commencer un autre cours menant à une QA, soit Lecture, 2e partie. Mentalement, il en avait besoin. «Ce cours me permet de garder mon cerveau actif», dit-il.

Prendre le temps de penser

D’autres ont fait un travail d’introspection pour trouver la paix. Chantal Côté, EAO, fait de la méditation guidée deux fois par jour. Apprendre à rester calme lui permettra d’aider les élèves à faire de même quand les écoles rouvriront leurs portes.

Elle se console en réalisant que c’est une expérience collective. «Nous sommes tous dans le même bateau», déclare Mme Côté, qui enseigne la 2e année au Conseil scolaire catholique de district des Grandes Rivières.

Avoir un état d’esprit positif peut aider, mais le changement n’en demeure pas moins éprouvant, confie M. Atanas. Il a trouvé des moyens de s’aider, mais aussi d’aider les membres de son équipe à «rester positifs et résilients en temps d’incertitude» : reconnaitre que son chagrin est réel, savoir que l’on ne possède pas toutes les réponses, être reconnaissant et pratiquer ce qu’il appelle l’«abondance d’empathie».

Donner de l’appui

Faire preuve d’empathie signifie écouter réellement les autres (élèves, familles, amis, pairs) et répondre à leurs besoins avec empathie. Ainsi, vous aidez les autres à avancer, mais vous vous aidez vous-même aussi. L’empathie jette des ponts. Elle contribue à votre santé mentale, maintenant et plus tard quand vous retournerez à l’école.

Lâcher prise

«Dans notre profession, nous avons la chance d’être entourés de personnes empathiques, reconnait M. Steele. Malgré les défis quotidiens, notre nature inhérente nous amène généralement à vouloir prendre soin des autres. Nous devons tous nous entraider les uns les autres.»

De nombreux enseignants sont aussi parents d’enfants d’âge scolaire. Cette perturbation les touche donc de multiples façons. Caroline Cantin, EAO, enseigne la 1re et la 2e année au Conseil scolaire Viamonde, à East Gwillimbury, et est mère de deux enfants âgés de six et dix ans. Quand elle a dû communiquer avec sa classe en ligne, elle a trouvé difficile de donner toute son attention à toutes les personnes qui comptent sur elle. Elle s’est sentie coupable en tant que mère et en tant qu’enseignante.

Elle a dû lâcher prise quelque peu en cette période inhabituelle. Ce qui l’aide est de faire quelque chose d’amusant avec ses enfants chaque jour, comme faire de la bicyclette le long du lac Simcoe et jouer à prendre le thé avec les poupées et les oursons ou au minigolf dans la cour. «Je veux faire de chaque jour une bonne journée pour mes enfants et forger de bons souve- nirs», affirme Mme Cantin.

Si vous ne vous êtes pas nourri le corps et l’esprit, le retour à l’école, avec ses nouvelles exigences, «pourrait être écrasant», de dire la psychologue Susan Rodger. Il faut prendre soin de soi en dehors du travail.

Mme Rodger est professeure associée et enseigne le programme d’études supérieures en psychologie du counseling à la Faculté d’éducation de l’Université Western. Elle dit que nous ne sommes pas faits pour vivre seuls, et que les relations et les routines qui nous unissent sont disparues.

C’est normal de ne pas pouvoir s’empêcher de penser à la crise. Selon Mme Rodger, accordez-vous 10 minutes pour vous plaindre, puis passez à autre chose. L’attitude négative est aussi contagieuse.

Une autre stratégie consiste à mettre les évènements en contexte. On a tendance à s’arrêter sur la façon dont le négatif nous affecte. Dépensez plutôt votre énergie à penser à la façon dont vous, en tant que pédagogue, défendez vos élèves et jouez un rôle pour préserver leur sécurité.

Rester positif

Mettre les évènements en contexte, comme Mme Côté l’a fait, est efficace. «C’est très utile de se rappeler que nous ne sommes pas seuls», dit Mme Rodger. Une pandémie mondiale de COVID-19 échappe au contrôle de tous. Comme la plupart des choses dans la vie, d’ailleurs. «Nous contrôlons bien peu de choses, mais nous avons le contrôle sur nos réactions, dit Mme Rodger. On peut ralentir, prendre conscience de nos émotions, puis avoir le courage de dire : “Présentement, c’est difficile pour moi.” Ensuite, on peut obtenir de l’appui d’une façon ou d’une autre.»

«Essayez de nouvelles stratégies pour préserver votre santé mentale jusqu’à ce que vous trouviez celles qui vous conviennent», conseille Mme Rodger. C’est essentiel en période de crise comme en tout temps.

Quant à M. Nowell, il peut respirer plus facilement, sachant qu’il est resté actif durant toute la période de confinement et qu’il a eu l’occasion de s’intéresser à autre chose et de se libérer l’esprit.

«C’est pour mon propre bienêtre, mais aussi pour appuyer celui de ma famille et de mes élèves, confie-t-il. Quand les élèves reprendront le chemin de l’école, la chose la plus importante pour moi sera d’offrir un milieu sain et sécuritaire à mes élèves en salle de classe et de favoriser l’empathie. Pour ce faire, je dois tout d’abord prendre soin de moi-même, physiquement et mentalement.»

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